Comment être mieux informés sur les divers produits épandus dans les cultures et sur les risques relatifs à l’alimentation humaine et animale ? Quand on sait, par exemple, qu’une pomme peut être traitée jusqu’à une trentaine de fois, avant d’être mise sur les étals, il y a évidemment de quoi s’inquiéter ! Faites l’expérience sur un marché ou en grande surface, demandez quels types de traitements successifs ont subi les fruits et légumes mis en vente, qu’ils soient produits en France ou importés. Vous verrez que le plus souvent les commerçants ou vendeurs spécialisés sont tout à fait incapables de vous répondre de façon précise et détaillée.
Le contrôle de la qualité des fruits et légumes importés est d’ailleurs un vrai problème, en matière de sécurité alimentaire, car certains produits chimiques interdits en France (comme le diméthoate, par exemple, un insecticide contre la mouche de la cerise) continuent à être utilisés sans aucune restriction dans de nombreux pays exportateurs. Au plan économique, ce n’est pas sans incidences pour les producteurs français. Quoiqu’il en soit, il est bon de rappeler que la France s’était fixée depuis une décennie des objectifs ambitieux de réduction du recours à ces produits chimiques de synthèse, dans le cadre du « Plan Ecophyto » (réduction de 50%). Force est de constater que ces objectifs ne seront pas atteints puisque la vente et l’utilisation des produits phytosanitaires ont fortement augmenté ces derniers mois dans notre pays (de l’ordre de 24% notamment entre 2017 et 2018).
Il n’est pas question pour nous de mettre en accusation les agriculteurs et exploitants qui sont bien souvent les premières victimes de l’usage de ces produits dangereux (maladies professionnelles en augmentation) mais il est clair cependant que les pratiques agricoles sur le plan des traitements ne s’améliorent pas, l’augmentation des ventes de ces produits le prouve.
Cette situation devrait poser des questions à tout citoyen, en termes de gouvernance des politiques publiques, de surveillance des services de l’État, de contrôles, voire de sanctions éventuelles, pour garantir l’efficacité des engagements pris et l’efficience des démarches initiées.
Il est a priori relativement facile de savoir à qui les entreprises de l’agrochimie ont vendu leurs produits et quels sont les territoires, les filières, les types de cultures où l’on en a utilisé en grandes quantités, durant ces derniers mois. Certains territoires sont fortement touchés en matière de pollution, chacun le sait : les Antilles en premier lieu avec les ravages du Chlordécone, qui a empoisonné les sols pour des siècles. Mais aussi aujourd’hui, en métropole, certaines zones de vignobles ou de cultures céréalières, où le glyphosate (principe actif du « Roundup « ), produit classé cancérogène probable par l’OMS, continue à être épandu massivement, mettant même parfois en danger la qualité de l’eau. Les distances d’épandage à respecter autour des écoles et des habitations provoquent d’ailleurs actuellement, en milieu rural, des incompréhensions et de nombreux conflits.
Au moment où un grand débat public s’ouvre sur les orientations de la future PAC (Politique Agricole Commune de l’Union Européenne) après 2020, il nous parait pertinent à l’Adéic d’évoquer ces problématiques inquiétantes, ainsi que les besoins réels pour les consommateurs d’obtenir, en matière de sécurité alimentaire, des informations complètes et fiables sur les divers traitements effectués, pour les fruits et légumes comme pour les céréales et les vignes. On pourrait tout à fait envisager un code d’affichage simple à l’image du nutriscore (un feu tricolore par exemple), selon la quantité, la diversité et le degré de dangerosité des produits utilisés, des informations complémentaires, plus détaillées, pouvant être obtenues grâce à l’usage d’un portable.
En ce qui concerne les pratiques agricoles, comment pouvoir sortir rapidement de cette logique de recours accru aux pesticides et herbicides ? En réorientant peut-être demain les aides de la PAC, en France, vers des exploitations et des productions plus respectueuses de l’environnement et en informant mieux les consommateurs.
Il ne faudrait pas en effet que les recommandations émises en matière de santé, manger au moins 5 fruits ou légumes par jour, nous conduisent à nous empoisonner progressivement au quotidien ! Tout le monde n’a pas les moyens d’acheter exclusivement du Bio.
Le débat public s’engage, il faut souligner que c’est la première fois, en Europe, qu’un débat citoyen de cette ampleur est ainsi proposé sur les orientations futures de la PAC. L’Adéic souhaite saisir cette opportunité et y participer, pour porter les demandes et les exigences légitimes des consommateurs.
LES RECOMMANDATIONS DE L’ADEIC en matière de transparence : un étiquetage simple d’information sur la dangerosité et la diversité des produits phytosanitaires épandus (avec la possibilité d’obtenir des informations plus détaillées via un portable, notamment le nombre d’épandages effectués)
Jean-Louis Blanc – Secrétaire général de l’ADEIC